Dans son journal Principes de santé, Michel Dogna publie récemment un « Coup de gueule » intitulé « Etes-vous orthorexique ? «
L’orthorexie est définie comme « le désordre alimentaire de manger sain » et vient du grec « ortho » et « orexie » signifiant respectivement « droit » et « appétit. » Elle est qualifiée de maladie au même titre que l’hyperphagie, qui consiste à manger des quantités de nourriture impressionnantes, l’anorexie et la boulimie.
Cette maladie a été découverte par un médecin, le Dr Bratman, se qualifiant lui-même d’expert en médecine alternative.
Afin de déterminer si vous êtes atteint de cette maladie, il a mis au point un petit test consistant en différentes questions :
- Passez-vous plus de 3 heures par jour à penser à votre régime alimentaire ?
- Planifiez-vous vos repas plusieurs jours à l’avance ?
- La valeur nutritionnelle de votre repas est-elle à vos yeux plus importante que le plaisir de le déguster ?
- La qualité de votre vie s’est-elle dégradée, alors que la qualité de votre nourriture s’est améliorée ?
- Êtes-vous récemment devenu plus exigent(e) avec vous-même ?
- Votre amour-propre est-il renforcé par votre volonté de manger sain ?
- Avez-vous renoncé à des aliments que vous aimiez au profit d’aliments «sains» ?
- Votre régime alimentaire gêne-t-il vos sorties, vous éloignant de votre famille et de vos amis ?
- Éprouvez-vous un sentiment de culpabilité dès que vous vous écartez de votre régime ?
- Vous sentez-vous en paix avec vous-même et pensez-vous bien vous contrôler lorsque vous mangez sain ?
Si certaines de ces questions démontrent effectivement une certaine obsession, il ne me semble pas que porter attention à la valeur nutritionnelle de ce qu’on avale, avoir plus d’exigence et d’amour-propre et renoncer à des aliments au profits d’aliments plus sains soient symptomatiques d’un désordre mental ! J’ai parfois l’impression de rêver…
Petit tour d’horizon de certains désordres mentaux détaillés dans le DMS IV.
Pour la petite histoire, le DSM est le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par la toute-puissante Association Américaine de Psychiatrie.
Le premier DSM (DSM-I) date de 1952 et diagnostique 60 pathologies. Le DSM-II est publié en 1968 et regroupe 145 pathologies différentes. Le DSM-III de 1980 est révisé en 1987 et comprend 292 diagnostiques étalés sur 567 pages. Le DSM-IV comprend quant à lui 410 troubles psychiatriques.
Une expertise publiée en 2000 par l’Université du Massachusets indique qu’un tiers des experts du comité du DSM-IV a des liens avec l’industrie pharmaceutique. Plus exactement, sur les 170 membres du DSM, 56% d’entre eux, soit 95 avaient un des liens financiers suivants avec une compagnie de l’industrie pharmaceutique :
– a perçu des honoraires ou détient des actions dans une compagnie pharmaceutique ;
– est directeur d’une startup, membre du comité scientifique ou du conseil d’administration d’une entreprise pharmaceutique ;
– a agi en tant qu’expert pour un litige mettant en cause une compagnie pharmaceutique ;
– détient un brevet ou un droit d’auteur ;
– a reçu des cadeaux d’une compagnie pharmaceutique incluant des voyages, des subventions, des contrats et du matériel de recherche.
Des liens avec l’industrie pharmaceutique ont été découverts chez plus de 80 % des membres siégeant au sein de 6 commissions sur les 18 que comprend le comité . Ces liens concernent 100 % des membres du groupe de travail « Troubles de l’humeur » et du groupe « Schizophrénie et désordres psychotiques, ainsi que 81 % du groupe «Troubles anxieux», 83 % du groupe « Troubles de l’alimentation », 88 % du groupe « Troubles kinesthésiques liés à la prise de médicaments » et 83 % du groupe « Troubles dysphoriques prémenstruels » (dysphorique signifie instabilité de l’humeur, état d’anxiété, sensation de malaise etc. C’est en fait le contraire de l’euphorie – une femme souffrant de troubles dysphoriques prémenstruels souffre en fait de ce types de symptômes en relation avec l’approche de ses menstruations).
Parmi les membres répondant aux critères « liens financiers », 76 % avaient bénéficié de subventions de recherche, 40 % de revenus comme consultants, 29 % travaillaient dans la communication, et 25 % recevaient des honoraires d’un autre type. Plus de la moitié des membres ayant un lien financier présentaient plus d’un type de relation financière l’engageant auprès d’une compagnie. Onze membres avaient cinq types de liens.
Étant donné que les catégories de maladies mentales désignées par « Troubles de l’humeur » et « Schizophrénie et autres troubles psychotiques » sont les deux principales catégories pour lesquelles un traitement psychotrope est habituellement proposé, le lien entre le recours au DSM et la consommation des produits des firmes pharmaceutiques est une évidence.
Les compagnies pharmaceutiques ont un intérêt direct sur la détermination des troubles mentaux intégrés dans le DSM. Si on va plus loin, on peut affirmer que ce sont les compagnies pharmaceutiques qui vendent des drogues psycho-actives qui déterminent aujourd’hui ce qui constitue une maladie mentale et comment celle-ci devrait être diagnostiquée et traitée.
Après cette digression qui n’en est pas vraiment une, je reviens à mon petit tour d’horizon des symptômes. Il y en a littéralement des centaines. Pour n’en citer que quelques uns : la pyromanie est considérée un trouble mental tout comme l’agression envers les gens ou les animaux, la destruction de la propriété, le vol, la tromperie, la violation des règles établies et j’en passe. Il s’agit là de comportements criminels relégués dans une catégorie de troubles mentaux où plus personne n’est responsable de ses actes.
Avec cette augmentation des diagnostics de maladies mentales, de prescriptions de drogues censées les résoudre, ne devrions-nous pas nous attendre à ce que de telles maladies reculent ? Or la consommation d’anti-dépresseurs en France est la plus élevée du monde et ne cesse d’augmenter. 10% des Américains de plus de 6 ans prennent des anti-dépresseurs.
Terminons pas une phrase de Thomas Szasz qu’on ne présente plus « Arrêtons de raconter qu’il y a derrière chaque pensée tordue une molécule tordue dans le cerveau. »